Février 2012
Courir de
toute évidence
Courir de toute évidence, courir. Depuis
combien de temps déjà ? Au loin une boule de feu éclabousse le paysage et
lui donne du relief. Le travail de cisaille du froid en sera stoppé. La
campagne est pleine et silencieuse. Le temps s’accroche aux seuls rythmes des
foulés et du souffle.
De l’Ouest un animal apparaît en
gémissant. Ses yeux ouverts semblent éclairer la voie qu’il absorbe. Les
barrières se baissent sur fond de rouge clignotant et interdisent le passage
pour quelques instants. L’animal est un long ver au sein duquel des voyageurs
endormis ignorent mon aventure quotidienne. Seule une silhouette humanise la
machine.
Enfin le Canal, cette muraille de Chine
liquide est aussi un fil d’Ariane. La lune en sursit s’y reflète et accompagnée
du double de l’immense ciel étoilé, le voyage vers toi se poursuit.
Le monde animal organise un relai
clair-obscur. Acteurs diurnes, figurants nocturnes se mélangent un instant sur
la toile de cette peinture en mouvement. Changement de décor depuis les
coulisses agitées d’un théâtre. Dans la précipitation certains acteurs se
retrouvent là où ils ne devraient pas y être, tout aussi surpris que ce drôle
de spectateur croisé aux heures matinales.
Courir encore, poursuivre ce voyage
extérieur et intérieur.
Les lumières évoluent, les claires
remplacent les sombres. Plus chaudes elles gomment la noirceur du décor et
entraînent avec elles les étoiles indécises. Les silhouettes tordues des arbres
laissent apparaître leurs bras tendus vers le ciel qu’un bleu nouveau absorbe.
Témoins, les lunes m’accompagnent toujours, les rotations ont modifié leurs
positions mais elles restent bien là.
Le ver géant barrant la plaine en
gémissant, les deux lunes m’accompagnant, les bras des arbres….la folie
s’installerait-elle sournoisement dans le corps du coureur comme un amour
interdit dans le cœur d’un séducteur ? Statique, cette contemplation
aurait-elle été identique ? Ma place ne serait-elle pas contre toi qui te
réveille certainement ? J’imagine ton ombre nue, l’empreinte de ton corps
dans les draps défaits.
Ce soir ma course accueillera la nuit.
Gilles
LORENTE
Où ? Combien ?
Comment ? Par où ? :
Aude
Réflexion et rédaction issuent de plusieurs virées très matinales le long du Canal du Midi en février 2012...
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