samedi 12 janvier 2013




Courir Méditations Physiques




Guillaume Le Blanc est philosophe, professeur à l'Université Michel-de-Montaigne à Bordeaux. 

Habitué des ondes de France Culture (vous pouvez écouter quelques-unes de ses interventions ici) Guillaume le Blanc est l'auteur de nombreux ouvrages. 

Cet homme est également marathonien. Donc, il aime courir...Du moins je lui souhaite. 

Cet hobby lui confère-t-il un statut particulier ? Le marathonien est-il plus singulier que le philatéliste par exemple ?  Faisons-nous partie d'une même "tribu" et pourrions-nous faire l'objet d'une étude sociologique ? Cet hobby est-il suffisamment significatif ? je ne le pense pas. Les raisons, les motivations, la variété des pratiques et des objectifs recherchées peuvent être si multiple que chaque marathonien (et au-delà chaque coureur) constitue un cas particulier...et c'est tant mieux. 

Il convient, néanmoins, de reconnaître certains points communs. Guillaume-Le-Blanc nous le propose au travers son livre de manière très intéressante. 

Les marathoniens ont le temps de réfléchir, de méditer, de se poser des questions et de tenter d'y apporter des réponses ou des hypothèses de réponses. 

Ceux qui souhaitent prendre le départ d'un marathon officiel seront durant les heures d’entraînements de grès ou de force contraints de "réfléchir" sur eux, sur les paysages, les univers qu'ils traversent, sur les douleurs nouvelles ou anciennes qui réapparaissent et plus heureusement sur le bonheur qu'ils ressentent. 

Ceux qui comme moi pratiquent sans recherche d'une performance particulière et courent sans trop d'objectif si ce n'est réussir quelques sorties plus engagées que celles du quotidien. Ceux-là rencontreront également ce moment où la tête et le corps se séparent pour oeuvrer chacun de leur côté. 

Il s'agit bien lorsque l'on s'engage sur 42 km, ou plus comme c'est souvent le cas en trail, de "courir avec sa tête". Le cas inverse expose "l’inconscient" à se meurtrir et à ne garder comme souvenir  que celui d'une épreuve et non d'un voyage et d'un plaisir....Tiens donc, les sportifs (les vrais) ne parlent-ils pas d'épreuves sportives?...

Guillaume Le Blanc nous invite donc au travers 42 chapitres (une obsession ce chiffre...) à méditer sur cette activité qui intéresse un grand nombre d'amateurs. Joggeurs du dimanche, marathoniens, traileurs montagnards, amoureux des déserts, multirécidivistes (transeurope, intégrale de Riquet, étoile savoyarde, marathon des sables, etc....) nous partageons tous ce même point commun; tôt ou tard nous méditons durant notre activité. Certains souriront et se défendront de philosopher... D'autres se reconnaîtront volontiers dans cette analyse. 

Lu en quelques soirées à Essaouira, j'ai réellement apprécié cet essai pour la simple et bonne raison qu'il m'a aidé à mieux exprimer les sensations vécues lors de mes sorties. Certaines analyses et hypothèses ont trouvé un réel écho avec la manière donc je vis cette activité. 

Celle par exemple selon laquelle les marathoniens (et au-delà les coureurs de fond) puissent pratiquer  dans un certain dénuement. Celui-ci est autant un besoin (le plaisir de se mouvoir simplement) qu'un objectif. J'apprécie cette activité pour la simplicité, la légèreté de sa mise en oeuvre et par le fait qu'il convient afin de bien la mener ne pas s'encombrer (et s'alourdir) inutilement. La course à pied serait-elle une activité à rebours de cette société de consommation ? ....Le sport des pauvres, des vies de rien qui n'accèdent jamais totalement à la lumière, car elles ont fait voeu de pauvreté...Je le pense. N'avez-vous pas remarqué que les marathons les plus médiatisés se déroulent dans les grandes villes occidentales, lieux de toutes les négociations financières mondiales ? Et quelles sont les nations qui occupent et trustent les podiums ?... Celles qui, en principe, ne sont pas invitées dans les places boursières et ont été victimes des invasions, de l'esclavage et que l'on maintient volontiers, depuis ces mêmes villes, dans la misère. L'auteur nous le rappelle sans pour autant creuser ce sujet qui mériterait sans doute un autre livre. 

....Même si arrive le jour où le marathonien devient un sportif professionnel, dont l'existence même défie les grands chausseurs mondialisés, il n'en reste pas moins relié à une philosophie du dénuement pour laquelle courir, c'est expérimenter que l'on est que de passage, que l'on vit dans le passage.... 

Dans un autre chapitre nommé Traité de nomadologie, l'auteur propose une analyse sur le fait que le coureur, par "nature" en mouvement permanent, ne s'appartient pas plus à lui même qu'aux paysages et territoires qu'il traverse. Courir est un voyage et cette activité en vient à se détacher totalement pour constituer un art de vivre. 

Je le pense vraiment et cela reflète bien le sens que je donne à cette pratique. Je crois sincèrement (ou je m'en convaincs) qu'il ne s'agit pas plus d'une activité sportive que d'une fuite quotidienne. Il s'agit d'un art de vivre, d'une des composantes évidentes du déroulement d'une vie journalière. 

C'est un fait que le coureur de fond ne se déplace pas dans des limites strictes. Il est toujours tenté de repousser un peu plus les frontières spatiales qui l'enserrent. Comme si cette capacité de franchir les limites, de dépasser les bornes finissait par valoir comme une façon de s'approcher du fond.

Je ne sais si cette tendance est propre à tous les coureurs de fond mais ce désir permanent de "dépasser les bornes" d'aller voir "après", de ne pas respecter "les codes", "les conventions" sont pour moi une particularité qui ne se limite pas (encore des limites...) à la seule course à pied...Même si j'en éprouve un plaisir intense ce n'est pas toujours très bien perçu et facile à vivre... 

Guillaume Le Blanc a été invité le 7 septembre 2012 sur France Culture à l'émission Nouveaux chemins de la connaissance pour présenter son livre. 

Je vous invite à (ré)écouter cette émission très intéressante en cliquant icique vous soyez coureur ou non.

Guillaume-Le-Blanc, Courir Méditation Physique publié chez Flammarion.  


Bonne lecture!

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