Sultan Of Swing; Fender et vibrato VS Sardanes et Cobla...
Parcours réalisé le 26 Octobre 2012
J’aime la
solitude, même quand je suis seul… Jules RENARD
Entre Camporelles et Bouillouses....
La nuit anesthésie tout. La pâleur de la
lampe frontale tranche ce rideau sombre et laisse entrevoir la pluie qui par parfois est proche de l’horizontale : Il pleut, il y a du vent, il fait
nuit noire, j’ai froid…Ambiance. Si je ne peux rien contre le climat il suffit
de bien se vêtir pour s’en protéger… A cette heure pré-matinale la plus part
des gens dorment au chaud. Les SDF survivent et tentent de ne pas s’endormir
angoissés de ne plus se réveiller... D’autres cours par plaisir... Ma liberté
me permet d’apprécier des situations que les plus démunis fuient. Drôle de
société…
J’ai quitté volontairement ce matin le gîte (ma voiture), sans
témoins, comme un marin sort en mer alors que les
conditions ne sont pas favorables…Si tout va bien, cette sortie constituera un
bon souvenir. Au contraire la difficulté, le besoin d’une aide, voir le
naufrage fera de moi « un inconscient à qui cela devait bien arriver un
jour… ». La prise de risque n’est pas aussi importante bien que
l’engagement bien réel. Comme toute aventure celle-ci est pour partie
incertaine et c’est bien cela qui en fait le charme, l’excitation, la
motivation.
Le jour teinte le paysage qui peut à peut
se dévoile. Les chemins se divisent et semblent s’offrir. Le vent déchire les
nuages qui s’écartèlent sur les cimes.
Le gîte des Camporelles n’est plus très
loin. L’idée de partager un café avec son gardien me fait accélérer. Je m’approche du site convoité accompagné par des éclats de rire…Endorphines quand tu
me tiens. Le gîte est fermé !... Une pierre indique que « Le Gardien
revient ». Si les pierres pouvaient réellement parler elles
raconteraient tant d’histoires…
La course reprend sur des tapis d’herbes jaunis par les premiers froids. Ici, le Capcir prend des
aires de plateaux Andins. Durant quelques minutes je suis en Amérique du Sud.
Croiser une Vigogne serait alors normal. J’aime ce lieu qui offre les cimes
enneigées, les lacs isolés où quelques arbres meurtris s’accrochent. Les
sommets limitrophes se cachent dans les volutes nuageuses.
Courir sur ce plateau durant une journée.
Ne croiser personne, ne pas parler, écouter, sentir le vent. Profiter d’un
paysage préservé de la neige, pour quelques jours encore. Naviguer à vue entre
chacune des cimes et éviter de s’y échouer. Lever l’ancre. La larguer pour
quelques heures.
Le parcours se poursuit en
circumnavigation. Sultan Of Swing marque le tempo des foulées. Sardanes et
Cobla seraient plus adaptés que Fender et vibrato. Qu’importe je peux ronronner
ma musique personne ne viendra me le reprocher.
Liberté, solitude et bonheur se trouvent
toujours sur le chemin de ces escapades solitaires. La solitude est ici
souhaitée, attendue et délectée. Bien évidemment partager de tels voyages
pédestres est concevable. C’est un bien nécessaire tant les plaisirs
peuvent y être conjugués en parfaite synergie.
La montagne, la mer et les déserts
partagent cette faculté ; ils réunissent autant qu’ils divisent. Chacun
suivant l’inspiration, la situation du moment, peut y exprimer une démarche en
cohérence avec ses propres attentes. Parcourir seul 45 km en montage ne tient
pas de l’exploit sportif mais plus d’un dessein. D'une joyeuse solitude, une source de
réflexion. Cela procure un sentiment profond de grande liberté. Une récréation nécessaire.
Le site des Bouillouses est traversé
rapidement afin de rejoindre le lac d’Aude, source du fleuve éponyme. La pluie
se charge de l’accueil et m’accompagnera jusqu’au Angles. La fatigue
c’est invité depuis quelques minutes accompagnée de la morsure du froid. La
vue d’une orri et de sa cheminée crachant dans le vent une fumée épaisse et
blanchâtre, provoque un effet pavlovien de réconfort. Une personne vient
d’allumer un feu avec les branches trempées par les averses de ces dernières
heures. Après la déception des Camporelles l’idée de partager un banc le temps
de me réchauffer constitue une belle motivation. Il doit s’agir d’un berger
avec qui, c’est sur, je vais pouvoir échanger et apprécier l’accueil et
l’assistance propres aux gens de la montagne et de la mer. « Il y
a trois sortes d’êtres : les vivants, les morts et les marins »,
c’est en remémorant la citation d’Anarcharis que j’avance vers l’abri en le
comparant à un phare dans la tempête. J’aime ces rencontres dont on garde un
prénom, un regard, de l’attention réciproque quelques interrogations et un
profond respect dénué de tout jugement. Me voici à moins d’un mètre de
l’entrée.
Une femme est là, assise à proximité
immédiate du foyer. Le reflet des flammes danse sur son visage patiné par les années en montagne. Mon plus beau
sourire devrait faciliter le
contact. Elle se lève. Ses yeux sont d’un tel bleu délavé que j’y plonge
aussitôt. Ses cheveux poivre et sel accentuent sa beauté. Elle tient une
tasse à la main. Des volutes de vapeur s’y échappent et jouent avec l'élégance de son visage. Elle se dirige vers moi… Me parle mais…Je ne saisis pas les mots
qui sortent de sa bouche. S’agit-il d’un patois local ? Deux énormes
« dents » jusqu’alors dissimulées semblent retenir son message. Elle
ne sourit vraiment pas et ne semble pas vouloir m’accueillir dans
« son » abris.
Je peux rentrer quelques minutes à
l’abri ? Il pleut, j’ai froid, je ne resterai pas longtemps…
D’où je viens ?
D’espouzouille…Laissez-moi rentrer et je vous expliquerais. Comment ce n’est
pas possible ? Mais si madame c’est possible, je suis partie ce matin à
5h45…Je peux m’asseoir auprès du feu ?
Elle s’est encore rapprochée…La vue de ses 2 seules dents me fait oublier le bleu de ses yeux…Elle me fait remarquer que je ne suis pas assez équipé pour couvrir une telle distance et m’indique la direction des Angles….Inutile d’insister je joins mes mains l’une à l’autre comme le ferait un sage et la remercie pour son « hospitalité » avant de tourner le dos et de filer dans la direction quelle m’indique, le bras tendus à quelques centimètres de mon visage...
Durant quelques minutes je pense à Gandhi
dont il me semble avoir épouser en plus du geste, la philosophie non-violente et une grande patience.
On se découvre parfois des facultés étonnantes…
La course se poursuit contraint et forcé
sous la pluie et le vent qui redouble d’intensité… Je ne traîne pas dans les
Angles et sur les pistes de ski désertées. Le soleil crève le plafond nuageux,
la fin du parcours en profitera. Çà et là je dérange dans les bois des
chevreuils effrayés par mon arrivée soudaine. Dans la descente en direction de
Formiguères, je distingue
vaguement sur ma gauche une forme marron avec qui je partage le cap. Vu sa
vitesse et ses sauts successifs il doit s’agir d’un vététiste. En
effet…Celui-ci doit peser plus de 200 kg, il porte sur son énorme tête
de longs bois. La beauté et la taille de ce cerf me donne un statut situé entre
le microbe et la poussière. L’effroi se mélange à l’admiration. Il vient lui
aussi de stopper sa course et tourne sa tête dans ma direction. Silence...
Cela aura été la seule vraie rencontre de
la journée. C’est sur ce sentiment étrange que je retrouve ma voiture
camping-car et que je songe à ce parcours pour lequel des variantes sont déjà
envisagées.
Dans quelques jours le Capcir se couvrira d’un épais manteau blanc. Il faudra attendre le printemps pour le parcourir à nouveau ainsi.
Dans quelques jours le Capcir se couvrira d’un épais manteau blanc. Il faudra attendre le printemps pour le parcourir à nouveau ainsi.
Gilles
LORENTE
Où ? Combien ? Comment ? Par où ? :
PO
45 km - 1397D+
Espouzouille, Camporelles, Bouillouses, Lac d'Aude, Pla del Mir, Les Angles, Lac de Vallesera, Formiguères, Espouzouille
Gîte des Camporelles
La Tet. Cette rivière est un fleuve.
La cabane de la Balmette
Les Angles
Le Puig del Palm
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