dimanche 18 novembre 2012




Sultan Of  Swing; Fender et vibrato VS Sardanes et Cobla...



Parcours réalisé le 26 Octobre 2012


J’aime la solitude, même quand je suis seul… Jules RENARD




Entre Camporelles et Bouillouses....




La nuit anesthésie tout. La pâleur de la lampe frontale tranche ce rideau sombre et laisse entrevoir la pluie qui par parfois est proche de l’horizontale : Il pleut, il y a du vent, il fait nuit noire, j’ai froid…Ambiance. Si je ne peux rien contre le climat il suffit de bien se vêtir pour s’en protéger… A cette heure pré-matinale la plus part des gens dorment au chaud. Les SDF survivent et tentent de ne pas s’endormir angoissés de ne plus se réveiller... D’autres cours par plaisir... Ma liberté me permet d’apprécier des situations que les plus démunis fuient. Drôle de société…


J’ai quitté volontairement ce matin le gîte (ma voiture), sans témoins, comme un marin sort en mer alors que les conditions ne sont pas favorables…Si tout va bien, cette sortie constituera un bon souvenir. Au contraire la difficulté, le besoin d’une aide, voir le naufrage fera de moi « un inconscient à qui cela devait bien arriver un jour… ». La prise de risque n’est pas aussi importante bien que l’engagement bien réel. Comme toute aventure celle-ci est pour partie incertaine et c’est bien cela qui en fait le charme, l’excitation, la motivation.


Le jour teinte le paysage qui peut à peut se dévoile. Les chemins se divisent et semblent s’offrir. Le vent déchire les nuages qui s’écartèlent sur les cimes.


Le gîte des Camporelles n’est plus très loin. L’idée de partager un café avec son gardien me fait accélérer. Je m’approche du site convoité accompagné par des éclats de rire…Endorphines quand tu me tiens. Le gîte est fermé !... Une pierre indique que « Le Gardien revient ». Si les pierres pouvaient réellement parler elles raconteraient tant d’histoires…


La course reprend sur des tapis d’herbes jaunis par les premiers froids. Ici, le Capcir prend des aires de plateaux Andins. Durant quelques minutes je suis en Amérique du Sud. Croiser une Vigogne serait alors normal. J’aime ce lieu qui offre les cimes enneigées, les lacs isolés où quelques arbres meurtris s’accrochent. Les sommets limitrophes se cachent dans les volutes nuageuses.


Courir sur ce plateau durant une journée. Ne croiser personne, ne pas parler, écouter, sentir le vent. Profiter d’un paysage préservé de la neige, pour quelques jours encore. Naviguer à vue entre chacune des cimes et éviter de s’y échouer. Lever l’ancre. La larguer pour quelques heures. 


Le parcours se poursuit en circumnavigation. Sultan Of Swing marque le tempo des foulées. Sardanes et Cobla seraient plus adaptés que Fender et vibrato. Qu’importe je peux ronronner ma musique personne ne viendra me le reprocher.


Liberté, solitude et bonheur se trouvent toujours sur le chemin de ces escapades solitaires. La solitude est ici souhaitée, attendue et délectée. Bien évidemment partager de tels voyages pédestres est concevable. C’est un bien nécessaire tant les plaisirs  peuvent y être conjugués en parfaite synergie.


La montagne, la mer et les déserts partagent cette faculté ; ils réunissent autant qu’ils divisent. Chacun suivant l’inspiration, la situation du moment, peut y exprimer une démarche en cohérence avec ses propres attentes. Parcourir seul 45 km en montage ne tient pas de l’exploit sportif mais plus d’un dessein. D'une joyeuse solitude, une source de réflexion. Cela procure un sentiment profond de grande liberté. Une récréation nécessaire.


Le site des Bouillouses est traversé rapidement afin de rejoindre le lac d’Aude, source du fleuve éponyme. La pluie se charge de l’accueil et m’accompagnera jusqu’au Angles. La fatigue c’est invité depuis quelques minutes accompagnée de la morsure du froid. La vue d’une orri et de sa cheminée crachant dans le vent une fumée épaisse et blanchâtre, provoque un effet pavlovien de réconfort. Une personne vient d’allumer un feu avec les branches trempées par les averses de ces dernières heures. Après la déception des Camporelles l’idée de partager un banc le temps de me réchauffer constitue une belle motivation. Il doit s’agir d’un berger avec qui, c’est sur, je vais pouvoir échanger et apprécier l’accueil et l’assistance propres aux gens  de la montagne et de la mer. « Il y a trois sortes d’êtres : les vivants, les morts et les marins », c’est en remémorant la citation d’Anarcharis que j’avance vers l’abri en le comparant à un phare dans la tempête. J’aime ces rencontres dont on garde un prénom, un regard, de l’attention réciproque quelques interrogations et un profond respect dénué de tout jugement. Me voici à moins d’un mètre de l’entrée. 


Une femme est là, assise à proximité immédiate du foyer. Le reflet des flammes danse sur son visage patiné par les années en montagne. Mon plus beau sourire devrait faciliter le contact. Elle se lève. Ses yeux sont d’un tel bleu délavé que j’y plonge aussitôt. Ses cheveux poivre et sel accentuent sa beauté. Elle tient une tasse à la main. Des volutes de vapeur s’y échappent et jouent avec l'élégance de son visage. Elle se dirige vers moi… Me parle mais…Je ne saisis pas les mots qui sortent de sa bouche. S’agit-il d’un patois local ? Deux énormes « dents » jusqu’alors dissimulées semblent retenir son message. Elle ne sourit vraiment pas et ne semble pas vouloir m’accueillir dans « son » abris.

Mon vélo ? Quel vélo, non je cours, je n’ai pas de vélo…

Je peux rentrer quelques minutes à l’abri ? Il pleut, j’ai froid, je ne resterai pas longtemps…

D’où je viens ? D’espouzouille…Laissez-moi rentrer et je vous expliquerais. Comment ce n’est pas possible ? Mais si madame c’est possible, je suis partie ce matin à 5h45…Je peux m’asseoir auprès du feu ?


Elle s’est encore rapprochée…La vue de ses 2 seules dents me fait oublier le bleu de ses yeux…Elle me fait remarquer que je ne suis pas assez équipé pour couvrir une telle distance et m’indique la direction des Angles….Inutile d’insister je joins mes mains l’une à l’autre comme le ferait un sage et la remercie pour son « hospitalité » avant de tourner le dos et de filer dans la direction quelle m’indique, le bras tendus à quelques centimètres de mon visage...


Durant quelques minutes je pense à Gandhi dont il me semble avoir épouser en plus du geste, la philosophie non-violente et une grande patience. On se découvre parfois des facultés étonnantes…


La course se poursuit contraint et forcé sous la pluie et le vent qui redouble d’intensité… Je ne traîne pas dans les Angles et sur les pistes de ski désertées. Le soleil crève le plafond nuageux, la fin du parcours en profitera. Çà et là je dérange dans les bois des chevreuils effrayés par mon arrivée soudaine. Dans la descente en direction de Formiguères, je distingue vaguement sur ma gauche une forme marron avec qui je partage le cap. Vu sa vitesse et ses sauts successifs il doit s’agir d’un vététiste. En effet…Celui-ci doit peser plus de 200 kg, il porte sur son énorme tête de longs bois. La beauté et la taille de ce cerf me donne un statut situé entre le microbe et la poussière. L’effroi se mélange à l’admiration. Il vient lui aussi de stopper sa course et tourne sa tête dans ma direction. Silence...

Cela aura été la seule vraie rencontre de la journée. C’est sur ce sentiment étrange que je retrouve ma voiture camping-car et que je songe à ce parcours pour lequel des variantes sont déjà envisagées. 

Dans quelques jours le Capcir se couvrira d’un épais manteau blanc. Il faudra attendre le printemps pour le parcourir à nouveau ainsi.


Gilles LORENTE


Où ? Combien ? Comment ? Par où ? :
PO
45 km - 1397D+
Espouzouille, Camporelles, Bouillouses, Lac d'Aude, Pla del Mir, Les Angles, Lac de Vallesera, Formiguères, Espouzouille


Gîte des Camporelles 




La Tet. Cette rivière est un fleuve.


La cabane de la Balmette



Les Angles




Le Puig del Palm




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